I have never had any grandparents other than in the first pages of the family album, right before my parents’ wedding photographs. Among the dated portraits from that gallery, there is one I know better than the others. It is the sepia picture of a young lady wearing a black velvet hat: my grandmother, who passed away when my father was 4 years old. He could only keep memories of her, indistinct as shadows, and never talked about the unfillable void her death had left. On my part, as far as I can remember, I have secretly carried inside me what I was fancying as his pain, certainly mixed with my own anxiety of losing my parents. I have questioned time and time again this photograph without a legend. And the album gets heavier and heavier with each time I put it back on the shelf.
It was my first contact with photography. It taught me, what would be for me, the essence of it. That a photograph is a guardian of memory, that it is the fabric on which one can embroider one’s own story, and yet that it is also a kind of lie, as it tells of a present that no more exists.
Surely my photographs speak about another time. A time that is not today. A time when one took one’s time. When one valued the sustainability of things. When the world didn’t feel so big.These are nostalgic photographs. Namely they are bearers of memory. Witnesses at the same time of permanence and of fragility.One does not escape one’s own story.
Anne Closuit Eisenhart is @lesfifoles on Instagram
Photographie et Mémoire – par Anne Closuit Eisenhart
“Quand on parle de l’amour du passé, il faut faire attention, c’est de l’amour de la vie qu’il s’agit; la vie est beaucoup plus au passé qu’au présent. Le présent est un moment trop court et cela même quand sa plénitude le fait paraitre éternel. Quand on aime la vie, on aime le passé parce que c’est le présent tel qu’il a survécu dans la mémoire humaine.” – Marguerite Yourcenar
Je n’ai jamais eu de grand-parents ailleurs que dans la première page de l’album familial, juste avant les photographies du mariage de mes parents. Dans cette galerie de portraits démodés, il en est un que je connais mieux que les autres. C’est l’image sépia d’une jeune femme avec un chapeau en velours noir : ma grand-mère, morte quand mon père avait quatre ans. Il n’en gardait comme mémoire que quelques ombres et ne mentionnait jamais le vide qu’elle avait laissé. Moi, d’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai porté secrètement ce que je m’imaginais être sa souffrance avec sans doute aussi la peur de perdre mes parents. Cette photographie sans légende, je l’ai questionnée à maintes reprises. Et à chaque fois que je replaçais l’album sur l’étagère, il pesait un peu plus lourd.
Ce fut mon premier rapport avec la photographie et j’y ai appris l’essentiel. Qu’une photo est gardienne de mémoire, qu’elle est un tissu sur lequel chacun peut broder sa propre histoire et qu’elle ment aussi un peu car elle dit un présent qui n’existe plus.
J’ai en moi une sensibilité artistique que depuis toujours dix doigts malhabiles s’acharnent à contrarier. Alors je me suis faite un oeil en étudiant l’histoire de l’art. J’ai appris à reconnaître ce que j’aimais à défaut de pouvoir le créer. J’ai emmagasiné intuitivement certaines règles de composition. J’ai surtout compris l’importance de la lumière, comment elle peut tout anoblir, même le vulgaire.
Je photographie essentiellement des natures mortes et des paysages. Depuis la naissance de mes enfants, je parcours les brocantes à la recherche d’un patrimoine que je n’ai pas reçu et que je veux leur transmettre. Je rapporte toujours les mêmes trésors : des miroirs piqués, des bouteilles au verre devenant opaque, des peluches mitées, des vases recollés, de vieux tiroirs. Des objets simples, sans style particulier, qui ont survécu aux années et qui portent sur eux des signes qu’ils ont été utiles et qu’ils ont été aimés.
Je ne sais jamais à l’avance quelle photo je vais prendre. Je choisis un objet, une fleur qui traîne dans un vase et j’instaure entre eux une relation. Je les fait parler. Je les place, les déplace. Je tourne autour. J’attends la bonne lumière. J’essaie de créer une tension ou un accord. Je ne cherche pas à donner une dimension symbolique, juste à créer une émotion visuelle qui me touche et qui va peut-être toucher quelqu’un d’autre.
C’est la même chose quand je photographie des paysages. Le pittoresque ne m’intéresse pas. La plupart du temps ce sont des lieux qui me sont familiers et que j’ai déjà chargés d’émotions. Le surplus de détails qui distraient est souvent gommé par le brouillard ou alors par la vitesse quand je prends des photos en roulant. Je me promène et soudain il y a quelque chose qui m’appelle et fait écho en moi, quelque chose que je reconnais. Et c’est cela que j’essaie de photographier. Ensuite lors du développement, si ce sentiment initial n’est pas assez présent, je pousse certaines lumières, je joue avec les contrastes, j’ajoute quelques taches pour accentuer ma vision initiale.
Sans doute mes photographies parlent-elles d’un autre temps. D’un temps qui n’est pas aujourd’hui. D’un temps, où l’on prenait son temps. Quand on valorisait la durabilité des choses. Quand le monde n’était pas si grand.
Ce sont des photos nostalgiques. C’est à dire porteuses de mémoire. Témoins à la fois de permanence et de vulnérabilité.
On n’échappe pas à sa propre histoire.
Anne Closuit Eisenhart est @lesfifoles sur Instagram.
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Wonderful images and reading. Thank you so much Anne for this contribute ?
Magnifiques photos et superbe article Anne. Merci pour ce partage.
Beautiful still life and well written article Anne.
Très beau texte sur la mémoire et le temps qui passe . Une revisite de la Recherche sublimée par de merveilleuses images et une nostalgie heureuse et sereine.
C’est communicatif et plein de charme !
Beautiful writing and wonderful still life Anne